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Marion Maréchal : « Si l'autonomie de la Corse est une meilleure défense de l’identité, j’y suis favorable »


Laurent Hérin le Mercredi 20 Décembre 2023 à 17:21

Entre la visite d'une charcuterie et celle de l'Église San Michele de Murato, Marion Maréchal, tête de liste du mouvement politique "Reconquête!" aux prochaines élections européennes, a fait un détour par Bastia. L'occasion de détailler pour les lecteurs de CNI son programme, d'évoquer l'autonomie de l'île et de réagir au vote de la loi sur l'immigration



Marion Maréchal a débuté son séjour par la visite de charcuterie Guidoni à Lucciana © DR
Marion Maréchal a débuté son séjour par la visite de charcuterie Guidoni à Lucciana © DR
- Quelle est la raison de votre venue en Corse ?
- Je fais ce déplacement sur l'île dans le cadre des élections européennes qui se dérouleront en juin prochain. L’idée est de lancer symboliquement la campagne ici. J’ai rencontré des cadres du parti, mais aussi des acteurs économiques locaux. Bastia est un choix symbolique.

- Pourquoi ?
- Je m’inscris, depuis début décembre, dans la défense des traditions de Noël et de nos racines chrétiennes. De la même manière, je suis allé à Nantes qui a choisi de remplacer Noël par un parcours artistique, itinérant, multiculturel et inclusif. Je vois une continuité de ce procédé quand la mairie de Bastia refuse d’installer une crèche dans ses locaux, ce n’est pas cohérent avec la défense de l’identité corse. Elle préfère l’écriture inclusive dans ses documents administratifs ou la théorie du genre dans ses rapports. Elle est dans une logique progressiste « wokiste » *. En cela, je constate une terrible contradiction…

- Laquelle ?
- Il peut y avoir une adéquation entre la défense de l’identité française et celle de la Corse. C’est l’hypocrisie que nous dénonçons ! On ne peut pas défendre efficacement l’identité corse si, dans le même temps, on souhaite l’accueil inconditionnel de clandestin sur le territoire. C’est ce qu'a fait monsieur Simeoni quand il s'est prononcé, en novembre 2022, en faveur de l’accueil du navire Ocean Viking qui transportait des migrants.

- Pour revenir à la mairie de Bastia, vous évoquez l’action du groupe Palatinu ?
- Leur action a eu un écho jusque sur le continent. Palatinu, pour le moment, est une association culturelle, mais elle parle à une partie de la jeunesse corse. Je regarde avec beaucoup d’attention ce mouvement et ce courant. Ils dénoncent cette hypocrisie dont je viens de parler. Nous avons des points de convergence, notamment sur la défense de l’identité. Je vous le redis : je veux que la France reste la France, que la Corse reste la Corse et que l’Europe reste l’Europe. Et la Corse est une part de l’identité française.

- Pourtant, l’île travaille à son émancipation via un statut d’autonomie ?
- La question que j’ai envie de poser est : quel est l’objectif de cette autonomie ? Si c’est une meilleure défense de l’identité, j’y suis favorable. Si les spécificités institutionnelles défendent la langue corse, permettent une meilleure transmission du patrimoine au sein des familles et luttent contre la spéculation immobilière, je n’y suis pas hostile, bien au contraire. L’insularité exige des spécificités, il n’y a pas de tabou. Je suis aussi pour une priorité régionale de l’accès à l’emploi, notamment dans le public. Il devrait y avoir une prime pour ceux qui vivent ici. Le rôle de l’Etat est de permettre l’enracinement des gens, la continuité, la transmission. Cette priorité devrait même s’appliquer à l’ensemble des autres régions. Par contre, je ne souhaite pas l’indépendance : c’est une ligne rouge absolue. Je suis terriblement attachée à ce que la Corse, que j’aime particulièrement, reste française. Elle fait partie de notre identité et je ne veux pas les opposer. Quand on est ancrés dans son territoire, on défend d’autant mieux l’identité française. La république doit accepter que ce jacobinisme violent détruit la richesse locale. Pour avoir un mari italien – même si leur histoire est différente de la nôtre – je regarde avec beaucoup d’affection leur modèle. J’aimerais qu’en France, on puisse parler des langues locales et le français. Il faut sauvegarder et transmettre ce patrimoine.

- À vous entendre, la France va mal ?
- En tout cas, elle est mal en point et en phase de déclassement, particulièrement économique. Elle reste une puissance importante avec de nombreux atouts, mais également en proie à des conflits civils de plus en plus nombreux. L’insécurité explose. C’est pour cette raison que je me suis engagée politiquement, mais aussi pour mes filles. Je veux qu’elles grandissent dans un pays, non pas en souffrance, mais en état de prospérité et de sécurité. À mon petit niveau, j’essaye d’y contribuer.

- L’immigration est une menace ?
- Une très large majorité de Français, selon les sondages d’opinion, souhaitent l’arrêt de l’immigration. Ils constatent que quand elle est non contrôlée et massive, extraeuropéenne et majoritairement musulmane, elle a des conséquences culturelles, identitaires, sécuritaires et économiques très lourdes sur notre pays. Nous ne sommes plus en mesure de l’assumer. La machine à assimiler est totalement enrayée. Des personnes s’installent sur notre territoire, accèdent à la nationalité française alors qu’ils ne partagent pas notre mode de vie. Ils détestent la France. Arrêter ce processus est la priorité de notre mouvement.

- Vous attendez une réponse européenne à ce problème ?
- Si l’union européenne jouait son rôle – la protection de nos civilisations – elle mettrait davantage de moyens dans le contrôle des frontières. La politique de Madame von der Leyen, soutenue par Emmanuel Macron et par les Républicains du Parlement Européen, est plutôt d’accompagner l’arrivée des migrants et de les répartir sur l’ensemble du continent. L’Europe, qui prend de nombreuses décisions sur le plan migratoire, a une politique laxiste qui est un véritable appel d’air pour l’immigration clandestine. Elle ne finance pas suffisamment de hot spots* à l’étranger ou se refuse à limiter le rapprochement familial.

- Vous pensez qu’il y a un électorat pour vous ici, en Corse ?
- Oui, nous sommes un jeune mouvement et pourtant, Éric Zemmour a recueilli, sur l’île, 12% des suffrages aux dernières élections. Quatre points supplémentaires par rapport au continent. Il y a une aspiration identitaire forte. Cette inquiétude face à l’immigration extraeuropéenne, à la montée de l’insécurité, au trafic de drogue ou à l’islamisation du pays, est partagée par beaucoup de Corses qui pensent que ça peut s’aggraver chez eux. C’est un défi commun à tous ! Il faut qu’on soit solidaire dans cette réponse.

- Lors de votre trajet, vous avez sûrement aperçu des tags : IFF, français de merde, etc. ?
Je pense que ce rejet est celui d’un certain nationalisme de gauche. La figure du Français est perçue comme celle de l’urbain, du parisien gauchiste, wokiste et pro-immigration. C’est ça qui est rejeté à travers l’idée de la France. Je ne suis pas cette France-là, ni ce gouvernement. Je défends une nation enracinée, forte de ses diversités régionales. Encrée aussi dans son identité chrétienne, qui refuse toutes les idéologies de la déconstruction et de l'ultra-parisianisme. Je pense qu’on peut mettre fin à cette hypocrisie, à cette distension entre un nationalisme corse de gauche et la défense de la France. Si la France coule, la Corse coule, tout comme l’Europe. On est dans le même bateau.

- Vous venez aussi pour prendre des contacts ?
- On a déjà une équipe volontaire pour un jeune mouvement, il faut prendre le temps de s’enraciner, d’être identifié. C’est notre défi. Notre objectif est de faire un score significatif aux Européennes. Nous pourrons alors jouer un rôle pivot intéressant aux élections municipales. Nous sommes présents en Corse et nous allons voir comment Reconquête! peut jouer le "faiseur de roi" à ce moment-là. Nous sommes les défenseurs de la coalition des droites : c’est le chemin pour faire gagner nos idées. La Corse est un territoire sur lequel je reviendrai. Il y aura des réunions publiques et des déplacements thématiques. C’est une zone de force importante pour notre mouvement et je compte sur la mobilisation des Corses dans cette élection.

- Un dernier mot sur le vote de la loi sur l’immigration ?
- J’ai peur que les Français ne soient déçus. Jamais je n’aurais voté pour un texte qui régularise des clandestins. Gérald Darmanin a annoncé 10 000 nouvelles régularisations par an. Sous Emmanuel Macron, elles ont été plus nombreuses que les expulsions. C'est un phénomène qui va encore s’accélérer. Ce texte passe à côté de l’essentiel : il est une incitation à l’immigration clandestine. Cette loi, présentée comme une grande victoire par le gouvernement, n'est finalement qu'un petit texte. Il n’est pas à la hauteur du défi migratoire qui est le nôtre aujourd’hui.

À la mairie de Murato, avec les élus du conseil municipal et l'adjoint au maire, Yves Giansily © DR
À la mairie de Murato, avec les élus du conseil municipal et l'adjoint au maire, Yves Giansily © DR
* Le terme « woke » provient de l’anglais « wake » (réveiller). Il décrit un état « d'éveil » face à l'injustice. Il est initialement utilisé pour désigner des personnes conscientes des problèmes liés à la justice sociale et à l'égalité raciale.

* Les hotspots sont des « dispositifs d'accueil dans les États membres situés en première ligne » permettant une intervention coordonnée des autorités européennes dans le but de procéder à une identification et un enregistrement des migrants rapide.